- 978-2-36593-009-3




L’aveugle qui refuse de voir
DE CERFVOL
“Un Oculiste que le hasard amena au carrefour, s’attendrit sur le sort de l’Aveugle. L’Élève de S. Côme avait lu « M. » de Voltaire, sans se prévenir de ses maximes: il ne croyait pas qu’un gueux fût toujours tendre, ni même qu’il pût toujours l’être. Il pensait, au contraire, que l’extrême malheur endurcit l’homme, & peut le conduire au crime; que l’aisance n’est pas ce qui produit les assassins & les filous, & que la puissance de faire du bien nous détermine assez naturellement à secourir ceux qui ont besoin de nous. Notre Artiste était pour-lors dans cette position. Il venait à l’instant de rafraîchir la vue d’un grand Seigneur, qui se l’était échauffée à l’étude de la philosophie. La cure était neuve. La disette d’expériences sur les incommodités de ce genre, avait mis tous les Oculistes en défaut: celui ci osa l’entreprendre. Il traita l’échauffement, sans égard pour la cause dont il partait, & le détruisit. Le soin de tous les yeux de la maison lui avait été confié, & une bourse pleine d’or avait couronné la tentative.
[…] S’adressant à l’Aveugle:
—Ne seriez-vous pas bien-aise de voir le jour, lui dit-il ?
—Ah ! Monsieur, quel bonheur ce serait pour moi !…
C’était le premier mouvement ; dénué de toute réflexion; c’était cette volonté hasardée qui accède impétueusement à tout ce qui nous flatte, sans juger des suites, & dont les effets nous couvrent de honte ou de gloire, selon la disposition des circonstances dans lesquelles nous agissons. C’était… mais continuons.
—Depuis quand avez-vous perdu l’usage de la vue ?
—Depuis environ trente-cinq ans.
—Que me dites-vous là ?
—Je suis né aveugle.”
20,00€

DE CERFVOL (texte)
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