Le BRAILLE À L’INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL

LETTRE DE SOUTIEN DES DOIGTS QUI RÊVENT À L’INSCRIPTION DE «L’APPRENTISSAGE ET DE L’USAGE DU BRAILLE » À L’INVENTAIRE NATIONAL FRANÇAIS DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL

L’histoire de l’accès à la culture des personnes aveugles est une longue lutte (celle du doigt contre l’œil) qui a connu une véritable révolution copernicienne avec l’invention du Braille vers 1825. Elles avaient enfin une langue qui « parlait à leurs doigts » comme disait Pierre Villey en 1916. À seulement 18 ans, le génie de l’aveugle Louis Braille est d’avoir compris l’importance du système de points en relief de Charles Barbier de la Serre, militaire voyant, et de l’avoir adapté et rendu, efficace, simple, logique.

Le Braille, contrairement à tous les systèmes basés sur les lettres romaines en relief depuis Valentin Haüy (et qui ne permettaient que la lecture et non l’écriture), n’a pas été imposé ; il s’est répandu, malgré les terribles résistances des voyants, car il correspondait à une formidable aspiration des personnes aveugles et il avait été mis au point par un aveugle.

Grâce à ces six petits points, le « monde » s’ouvrait aux aveugles, à la connaissance, permettait des échanges entre aveugles mais aussi entre les deux communautés, voyante et non voyante, car le code est très facile à maitriser. Il a fallu encore batailler pour que des livres soient « embossés », et alimentent le besoin de lecture ; des inventions techniques successives telles que tablette et poinçon, puis machine à écrire (Perkins), puis imprimante, ont permis la création de bibliothèques assez conséquentes dans tous les pays.

Nous sommes dans une civilisation de l’écrit, et même devant un écran d’ordinateur, c’est encore d’écrit qu’il s’agit.

En 1994, Les Doigts Qui Rêvent (LDQR) s’est donnée comme mission, de faire entrer le plus facilement possible les enfants aveugles dans la littératie et de créer une relation de plaisir entre l’enfant et le Braille, pour que son apprentissage se fasse dans la joie. LDQR a choisi le médium de l’album tactile illustré pour créer ce lien et dès le premier livre, un soin très important a été accordé à la qualité du Braille ; hauteur du relief, forme de points en ballon de rugby, espace entre points, cellules et lignes, et surtout la glisse. Nos albums tactiles illustrés ont permis au Braille de sortir du milieu « spécialisé », et d’entrer dans littérature de jeunesse, où lecteurs voyants et non-voyants peuvent partager le même livre ; les jeunes lecteurs voyants découvrent une autre écriture, et dans nos animations, codent et décodent de façon ludique, tout cela les aidant à accepter la « différence ».

« Il avait fallu un aveugle pour imaginer l’alphabet tactile ; il a fallu presque partout, en Angleterre et en Allemagne comme en France, l’effort persévérant des personnes aveugles et de leurs familles pour en imposer l’usage. Aujourd’hui des divergences ne subsistent plus guère qu’aux Etats-Unis, mais les différents systèmes qui là disputent encore au Braille la prééminence sont tous issus du Braille ; tous témoignent combien l’alphabet génial que Paris a donné au monde des aveugles repose sur de solides fondements psychologiques » (Pierre Villey, Le monde des aveugles, Corti, 1916, p.37).

Fait à Talant, le 31 octobre 2022,

Philippe Claudet, fondateur de l’association Les Doigts Qui Rêvent

 

Cette lettre a été confiée à Joël Hardy ( laculturedart@gmail.com ) afin d’être intégrée dans le dossier de l’inscription de « l’apprentissage et de l’usage du braille » à l’inventaire national français du patrimoine culturel immatériel. Elle pourra être complétée par des contributions personnelles ou collectives transmises par les mêmes voies.